Ses actions ont été saluées par le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU ou encore par le Pape François. Il a été classé parmi les 50 personnes les plus influentes du monde par le magazine américain Fortune en 2016 et remporté le prix Dresden Peace en2017. Il y a trois ans,Domenico Lucano, surnommé« Mimmo » était encore maire de Riace, une commune de Calabre, au sud de l’Italie. Sa politique d’aide à l’intégration des personnes migrantes était alors saluée de tous côtés dans la presse internationale, érigée comme un modèle à suivre. L’élu avait réhabilité d’anciennes infrastructures, relancé l’économie locale et favorisé l’éducation et la formation de toutes et tous.
Début octobre, il a été condamné par le tribunal calabrais de Locri à treize ans de prison et à 500 000 euros d’amende pour « association de malfaiteurs visant à aider l’immigration clandestine, escroquerie, détournement de fonds et abus de fonction ». Extrait de guitinews.fr 4/10/21
« Ayez le courage d’être seul »
La lettre de l’ancien maire de Riace, lue le 3 octobre 2021 sur la place de Riace.
Il
est inutile de vous dire que j’aurais aimé être présent parmi vous non
seulement pour des salutations formelles, mais pour quelque chose de
plus, pour parler sans le besoin et les obligations d’avoir à écrire,
pour ressentir ce sentiment de spontanéité, pour ressentir l’émotion qui
les mots produisent de l’âme, enfin pour vous remercier un à un, à
tous, pour une forte étreinte collective, avec toute l’affection dont
les êtres humains sont capables.
A vous tous
qui êtes un peuple en chemin vers un rêve d’humanité, vers un lieu
imaginaire de justice, chacun mettant de côté ses engagements quotidiens
et défiant même les intempéries. Je dis merci.
Le
ciel traversé de nombreux nuages sombres, les mêmes couleurs, la même
vague noire qui traverse les cieux d’Europe, qui ne laisse plus
entrevoir les horizons indescriptibles de pics et d’abîmes, de terres,
de douleurs et de croix, de la cruauté des nouvelles barbaries
fascistes.
Ici, dans cet horizon, les peuples
sont là. Et avec leurs souffrances, leurs luttes et leurs conquêtes.
Parmi les petites choses de la vie quotidienne, les faits se croisent
avec les événements politiques, les problèmes cruciaux de tous les temps
avec les menaces renouvelées d’expulsion, d’attentats, de mort et de
répression.
Aujourd’hui, dans ce lieu
frontalier, dans ce petit pays du sud de l’Italie, terre de souffrance,
d’espoir et de résistance, nous vivrons une journée qui sera destinée à
entrer dans l’histoire.
Nous sommes l’histoire.
Avec nos choix, nos croyances, nos erreurs, nos idéaux, nos espoirs de
justice que personne ne pourra jamais réprimer.
Il
viendra un jour où il y aura plus de respect pour les droits de
l’homme, plus de paix que de guerres, plus d’égalité, plus de liberté
que de barbarie. Où il n’y aura plus de gens voyageant en classe
affaires et d’autres entassés comme des biens humains des ports
coloniaux avec leurs mains accrochées aux vagues dans les mers de la
haine.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ma
situation personnelle et à mes affaires juridiques par rapport à ce qui a
été abondamment raconté. Je n’ai aucune rancune ou réclamation contre
qui que ce soit.
Mais je voudrais dire au monde
entier que je n’ai rien à avoir honte, rien à cacher. Je faisais
toujours les mêmes choses, ce qui donnait un sens à ma vie. Je
n’oublierai pas cet immense fleuve de solidarité.
Je
te porterai longtemps dans mon cœur. Nous ne devons pas reculer, si
nous sommes unis et restons humains, nous pourrons caresser le rêve de
l’utopie sociale.
Je vous souhaite le courage d’être seul et l’audace de rester ensemble, sous les mêmes idéaux.
Pouvoir être désobéissant chaque fois que nous recevons des ordres qui humilient notre conscience.
Nous méritons d’être appelés rebelles, comme ceux qui refusent d’oublier à l’époque de l’amnésie forcée.
Être assez têtu pour continuer à croire, même contre toute évidence, qu’il vaut la peine d’être des hommes et des femmes.
Continuer
à marcher malgré les chutes, les trahisons et les défaites, car
l’histoire continue, même après nous, et quand elle dit au revoir, elle
dit au revoir.
Nous devons espérer garder
vivante la certitude qu’il est possible d’être contemporains de tous
ceux qui vivent animés par le désir de justice et de beauté, où que nous
soyons et où que nous vivions, car les cartes de l’âme et du temps
n’ont pas de frontières.
Mimmo Lucano.